Elodie Boutry
Le projet initial d’Elodie Boutry pour la Chapelle Saint Tugdual devait être sauvage. Nés en 2013, durant une résidence en Corée, les dessins Sauvages marquent un point de rupture, celui de l’arrivée de la tache et implicitement de l’aléatoire, dans le travail de l’artiste jusqu’alors régit par des protocoles dans un univers orthonormé. L’envie pour l’Art dans les chapelles était de poursuivre ce travail récent, in situ, dans une chapelle autorisant les débordements, aux murs offerts à l’intervention. Tous les éléments étaient donc réunis pour être sauvage. Mais le projet né de la rencontre avec le lieu est tout autre. Certes mural, mais sans taches. En effet, être sauvage dans une chapelle s’est avéré moins pertinent que ne l’avait imaginé Elodie Boutry de prime abord, la question ici se situait ailleurs.
L’artiste a été rattrapée par la couleur.
Les tonalités du lieu sont au cœur de la proposition. Le débordement se produit dans la nef par un jeu de lignes brisées et non de taches. Le lieu est porteur d’histoires, la sienne et celles dont il se fait livre d’images. Le propos n’a pas été de les masquer mais bien au contraire de les donner à voir autrement. L’abstraction géométrique d’Elodie Boutry s’est comme historicisée. Un dialogue s’instaure entre les éléments de la statuaire et la peinture que nous pourrions nous autoriser à nommer fresque dans le contexte. Un jeu de facettes nait sur le mur pour venir envahir l’espace, sans toutefois proliférer. Tel un filon minéral, l’excroissance est circonscrite et vient mourir dans le sol. Ce cristal coloré devient révélateur de la statuaire, comme prisme du regardeur. De plus, il n’est pas sans évoquer les rochers à facettes de Fra Angelico dans un jeu de perspective inversée. Au premier plan, le décor devient sujet. Ici, on est bien dans le domaine de l’image, de l’illusion construite et coloriée. La pratique du coloriage, plus communément enfantine, participe du recouvrement par un travail lent et fastidieux à l’échelle de la pièce. Le geste de l’artiste, tout comme les dessous de la structure, se donnent à voir. L’engagement dans l’application de la couleur renvoie au propos principal de l’artiste, coloriste avant tout. La trace laissée par le crayon compte non comme un ajout mais bien comme une ligne autonome. La couleur n’est pas l’étape finale mais la finalité de la proposition.
Morgane Prigent